Perosia Astelle

Aurœris et les kiriahs (II)

Aurœris

Voici la suite et fin de la présentation des kiriahs sur la planète Aurœris. Le premier article se focalisait sur le fonctionnement des kiriahs (pouvoirs psychiques autres que la télékinésie et la télépathie que tous les Aurœrians possèdent). Ce second se concentre sur l’intégration des kiriahs dans la société, au travers de l’éducation, les transports, la santé et le régime politique.

L'éducation

Les kiriahs sont comme toute autre talent : certaines personnes en possèdent, d’autres non. Ces pouvoirs psychiques ne se développent qu’à partir de l’adolescence. Les enfants ne sont pas capables de communiquer ni de déplacer le moindre objet par la pensée. Les parents doivent donc s’adapter. Toutefois, les sphères du quotidien ont été développées pour que les enfants puissent les activer. Se réchauffer, ouvrir une porte (rideau psychique), s’éclairer, lire une bulle de lecture, etc  restent des actes faciles pour eux. Et leur permet un minimum d’autonomie.

Tous les enfants vont à l’école sans distinction de statut social ou de kiriahs dans les premières années. Ensuite, le système éducatif se divise entre les kiriahnis et les non-kiriahnis :

  • 14/15 à 16/17 ans : 2 ans. L’adolescent apprend télépathie et la télékinésie, avec contrôle mental et gestion des barrières mentales. En plus de l’école normale. A la fin de ce cycle, l’adolescent passe le test des kiriahs afin de déterminer s’il en possède et lesquels.
  • 16/17 à 19/20 ans : 3 ans. C’est le cycle de la spécialisation. Les non-kiriahnis rejoindront une guilde des métiers. Les kiriahnis travailleront dans un uriah afin de développer et contrôler ses nouveaux kiriahs.
    Ce cycle se termine avec la remise du diadème avec perle pour les kiriahnis et d’un emblème d’une guilde des métiers pour les non-kiriahnis.
  • 18/20 à 21/23 ans : 3 ans pour devenir un maître (kiriahni ou guilde des métiers). Sont rôle est d’enseigner et/ou d’être responsable d’un groupe.
  • 21/23 à 24/26 ans: 3 à 4 ans. Il s’agit du cycle ultime afin de devenir un uriahmi chez les kiriahnis et un doyen d’une guilde des métiers chez les non-kitiahnis. Le futur lauréat doit être adoubé par les siens, après plusieurs années à seconder l’un d’eux.

Les Aurœrians ne déconsidèrent pas les non-kiriahnis et assurent une formation équivalente. Il n’y a pas de différence de traitement entre les hommes et les femmes.

À l’uriah royal, sur l’estrade installée au pied de la fontaine du jardin, Sojeyn s’aligna avec les apprentis de dernière année. Les rayons du soleil nacré les enveloppaient. Ils mettaient en valeur leur nouvelle tenue de kiriahni, une longue robe bleu clair, brodée de la fleur de llyriah en filigrane, qu’ils arboraient avec fierté.
Face aux familles et aux maîtres, Sojeyn prêta serment aux quatre Principes, puis reçut son diadème de la couleur du ciel. Une joie indicible s’écoula dans ses veines quand Ixli l’ajusta sur sa tête inclinée.
Il était devenu un kiriahni !
Il n’avait plus besoin de se cacher afin d’utiliser ses pouvoirs psychiques.
Un éclair traversa les iris bleu-or de sa tante pendant qu’il la remerciait. Elle devait s’inquiéter de son avenir. Au contraire de lui. Il lui tardait, en fait, d’apporter son aide aux Aurœrians, au travers des Cercles, et à son père pour le Conseil.

Les transports

Bus, voitures, avions, trains et même vélos n’existent pas sur Aurœris. Les habitants se déplacent à pied, à cheval ou en chariot. Néanmoins, certaines missions ou tâches exigent des déplacements rapides et les salles de téléportation apportent une solution pratique pour les non-kiriahnis. Des sphères sont dédiées à ce mode de déplacement et elles forment un réseau sur tout le continent. Si nécessaire, les Cercles peuvent aussi téléporter des personnes ou des objets.

Dans un salle de téléportation, il existe des sphères de départ – regroupées en un cercle – et des sphères d’arrivée. Histoire d’éviter les collisions. Un kiriahni est responsable d’activer les sphères de téléportation, il gère aussi la priorité entre les demandeurs et n’hésitent pas à refuser l’accès. Être noble ou kiriahni ne donne pas de privilèges.

Dès que Sojeyn rejoignit Flore, ils partirent vers la salle de téléportation de l’uriah, enveloppés d’une cape de la tête aux pieds. Ils l’atteignirent un quart d’heure plus tard. Le kiriahni chargé des transferts ne les questionna pas, et ils s’installèrent au centre de huit sphères posées à terre. Quand l’homme les activa, un cercle lumineux se forma autour de Flore et de son frère. Les globes lévitèrent ensuite à une main du sol et émirent un halo corail : ils les transportaient au palais, destination qu’elle avait demandée au kiriahni.
Ils se matérialisèrent dans une salle identique et gagnèrent les appartements privés de la famille royale. Et, enfin, le bureau de leurs parents. Après avoir jeté un coup d’œil, pour vérifier qu’ils étaient seuls, Flore déclencha sa perle. La seconde suivante, elle apparut avec l’adolescent à l’intérieur de la pièce, dont elle activa l’éclairage. Un lieu chaleureux, à l’image de ses propriétaires, se dévoila.

Les communications

Communiquer par la pensée est un pouvoir psychique que possède chaque habitant d’Aurœris à partir de l’adolescence. Toutefois, ce talent reste limité à un échange avec peu de personnes et sur de faibles distances. Certains kiriahnis, comme Flore, peuvent déclencher une communication à longue distance. Leur perle se teinte en violet à l’activation de leur kiriah. Et un Cercle permet d’augmenter la distance ou le nombre de personnes concernées.

Quid des non-kiriahnis ? Les Aurœrians ont conçu le comurion. C’est un plateau composé de 6 petites sphères en périphérie et une au centre. L’activer déploie une image holographique. L’appareil sert à projeter ses pensées internes, à lire des bulles de lecture ou à fonctionner telle notre bonne vieille télévision. Un kiriahni devient l’équivalent d’une caméra et ce qu’il voit, il le transmet à l’aide du comurion à d’autres comurions. Ces appareils constituent un réseau qui facilite la connexion. Des réseaux parallèles peuvent coexister.

— Puisqu’Ixli atteste l’authenticité de la prémonition, entendons la princesse. Elle ne nous engage en rien à ce stade.
Après quelques hésitations, les doryaumis consentirent et Flore respira à nouveau. Elle ne s’était pas rendu compte qu’elle retenait son souffle.
Un serviteur apporta un comurion, l’appareil de communication et visualisation, et une table. Il posa l’ensemble à côté de Flore. Sur le plateau circulaire en bois clair, de la taille d’un avant-bras, six sphères dorées entouraient une semblable au centre. Elle remplaça cette dernière par une bulle de souvenir, à la teinte pourpre translucide, puis se connecta à celle-ci. Un arc lumineux se matérialisa entre les sphères petit à petit. Le tout formait une roue de chariot scintillante, et une image en trois dimensions se déployait, où les personnages représentaient un quart de leur taille réelle.
Flore l’utilisa pour raconter sa vision.

La santé

Soigner et se soigner est aussi une procédure basée sur les kiriahs. Certains kiriahnis possèdent le don de guérison (comme Sojeyn). On les appelle des guérisseurs et ils portent une longue tunique vert foncé, couleur que prend la perle quand un kiriahni active ce pouvoir.

Afin de ne pas saturer les uriahs où travaillent les kiriahnis, des guérisseurs vivent dans les villes. On peut les comparer à nos médecins généralistes. Ils soignent tout ce qu’ils peuvent à leur niveau et envoient les patients requérants des soins plus poussés à l’uriah. Les malades et blessés sont prioritaires dans les salles de téléportation, il faut peu de temps pour les transporter et pour qu’ils soient pris en charge. Un Cercle renforcera les pouvoirs d’un guérisseur à l’uriah. Son kiriah lui permet de “travailler” au niveau des cellules et même plus, si nécessaire.

Enfin, l’uriahmi contacta son esprit, et Sojeyn s’enfonça dans un univers dominé par les ténèbres, le froid et le silence. L’Entre-Deux monde. Avec une boule douloureuse dans la gorge, il jeta un coup d’œil à Ixli. Sa présence rassurante à ses côtés lui permit de surmonter son angoisse.
— Ton amour fraternel sera notre meilleur guide, indiqua-t-elle, d’une voix calme. Observe les lumières au loin tout autour de toi et pense à Flore. L’une d’entre elles brillera plus, elle représente l’endroit où se situe ta sœur.
— J’ai trouvé, souffla-t-il, après avoir scruté l’horizon étoilé quelques secondes.
— Pose ta main sur mon bras, cela t’aidera à garder notre connexion.
Sojeyn s’exécuta à contrecœur : ses doigts traversèrent la manche de sa tante.
Nous ne sommes qu’une projection mentale, pourtant j’ai la sensation de la toucher.
Elle le marquait suffisamment pour qu’il s’oblige à ne pas s’écarter.
— Ne te laisse pas distraire, concentre-toi sur elle ! lui intima Ixli.
L’ordre l’arracha à sa gêne, et il obéit, ce qui les déplaça au pied du lit de sa sœur. Sa tante parvint à rendre visibles les alentours : une pièce épurée à l’éclairage modeste se matérialisa.
— Ne devrions-nous pas voir des ténèbres ? interrogea-t-il.
— Un kiriahni expérimenté reconstitue un environnement afin d’être plus à l’aise pour œuvrer. Un faux ou un connu de la personne, ou celui dans lequel elle s’imagine. Ce dernier est l’idéal, mais le plus difficile à obtenir.
Leur arrivée dut troubler sa sœur, car elle s’agita et gémit.
[…]
Après avoir activé son kiriah de guérison, Sojeyn se laissa guider par le toucher délicat de sa tante. Elle lui apprenait à reconnaître la toxine, à la rendre inoffensive. Néanmoins, effrayé de blesser Flore, il tâtonnait pour dépister les cellules atteintes. Plus il hésitait, plus son cœur s’emballait. Il ne progressait guère, malgré les encouragements d’Ixli. Ne risquait-elle pas de l’arrêter ? Ce qui signifierait son échec… et surtout le décès de sa sœur. Le constat le choqua mieux que la foudre, chassa sa peur tel un ouragan, souffla sur les nuages de son incertitude.
Je ne baisserai pas les bras si près du but.
Sojeyn se reconcentra sur sa tâche et, peu à peu, prit de l’assurance : ses gestes s’accéléraient, tandis que sa tante lui transmettait son énergie. Quand elle lui ordonna de cesser, sa première réaction fut de résister. Il se souvint toutefois de leur discussion et capitula. Son état de faiblesse se dévoila, il s’effondrerait si Merioni ne lui insufflait pas sa force.
— Étant donné la progression avancée de la maladie, je t’ai laissé la soigner aussi longtemps que possible, parut s’excuser Ixli.

Le Conseil

Avec la puissance des kiriahs, les dirigeants de Aurœris (doryaumis) ont peu à peu développé un mode de fonctionnement adapté. Les siècles de la Décadence les ont aussi forcés. Durant cette terrible période, tous cherchaient à augmenter leurs kiriahs au détriment de la vie d’autrui. Pour échapper à ce chaos et éviter qu’il revienne, le Conseil a établi les Principes et des règles. Comme l’interdiction de réunir deux doryaums au sein d’une même famille ou l’union d’un dirigeant avec un uriahmi. Si une famille dirigeante reste sans descendance, le Conseil nommera l’enfant d’une autre famille. Il ou elle reprendra la lignée en coupant avec la sienne.

Et dans un peuple où pouvoirs psychiques existent, il fallait mettre en place un moyen de les bloquer lors des séances du Conseil. Les sphères d’inhibition. Elles empêchent des discussions et accords derrière le dos des autres participants, ou pire, de forcer à obéir. Car le kiriah du commandement rend docile toute personne qui y est soumise. Ce pouvoir maudit le père de Flore et Sojeyn le possède. Il en a toujours souffert, mais il supporte en silence son fardeau.

L’arrivée des membres du Conseil, accompagnés de leurs familles, requerra son attention. Ils entraient tour à tour, s’approchaient du couple royal, les saluaient et échangeaient quelques mots de bienvenue avant de rejoindre leur place. Ixli, sa sœur, s’assit en dernier à sa droite.
Aussitôt, les neuf uriahmis activèrent la sphère d’inhibition posée devant chacun d’eux, dont la couleur argentée scintilla. Elles bloquaient une prise d’ascendance d’un membre sur un autre ou une communication par l’esprit, qui conduirait à des accords secrets. Ixli augmenta l’intensité de la leur, et un malaise envahit Altar. Néanmoins, supportable. Il se tourna vers Katja, une question dans les yeux. Elle le rassura d’un sourire. S’il se résignait à payer le prix de son pouvoir maudit, il ne tolérait pas que son entourage puisse en souffrir.

Conclusion

Construire tout un lore autour du concept des pouvoirs psychiques ne se cantonne pas juste à définir la “technologie” associée. Définir les modes de vie, les impacts sur différents systèmes (politique, éducation, santé, communication…) permet de vraiment intégrer l’histoire à son univers. Sans le bloquer à un aspect purement visuel.

L’exercice est prenant, mais enthousiasmant. Je me suis rendu compte que l’édifice tenait bien la route au fur est à mesure de l’écriture de la saga. Car ajouter des règles s’imbriquait de manière cohérente.

Tenter de vous présenter une partie du lore de Aurœris fut une gageure. J’espère qu’elle vous donnera l’envie de vous plonger dans l’histoire. Peut-être même de vivre dans une telle société ?

Cercle de perles de différentes couleurs

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