Pour ma première chronique, je me suis attaquée non pas à un roman, mais trois, avec la trilogie Havensele (éditions Rroyzz) de Charlotte Bona. J’ai acheté le premier livre lors du salon de Ouest Hurlant à Rennes (avec une dédicace), puis les deux autres tomes sur Internet. Son genre principal me tentait : la science-fantasy (ou science-fantaisie) avec la prépondérance des pouvoirs psychiques.
La science-fantasy d’après Wikipedia : sous-genre littéraire de la science-fiction y mêlant des éléments empruntés à la fantasy. Elle intègre souvent des éléments de technologie moderne dans un univers médiéval ou antique, ou au contraire, des éléments propres à la fantasy dans un univers de science-fiction.
En fait, la science-fantasy est à la croisée de la science-fiction et de la fantasy. Suivant le choix de l’auteur, le curseur glissera plus d’un côté que de l’autre. Pour Havensele, il se trouve dans la science-fiction sans doute possible.
J’ajouterai un dernier point dans cet aparté : la science-fantasy accompagne le planet-opera, en petite ou grande sœur. C’est d’ailleurs dommage que les deux soient boudés par les lecteurs et lectrices. Il y a de quoi satisfaire la soif d’imaginaire et d’aventure de chacun/chacune. Ce n’est pas pour rien que j’ai démarré l’écriture avec une saga mêlant ces deux sous-genres, qui ne plongent pas obligatoirement dans la science-fiction technique.
Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à lire l’article de mon blog : genre littéraire – la science-fantasy.
L'histoire
En Suède, Mathilde est une climatologue douée avec une super équipe de travail. Son collègue-ami Jonas n’est pas en reste. Ils tentent sans succès de passer un terrible message auprès de la communauté scientifique : les moussons en Inde sont en train de se déplacer et provoqueront des catastrophes humaines. Un appel au secours dans le désert ? Oui et non. Si la majorité des chercheurs les prennent pour des cinglés, la fondation Andlaeur leur offre une bourse tant désirée. Les deux amis ne savent pas dans quel train, ou plutôt dans quel avion, ils s’embarquent en acceptant. D’étranges évènements, souvent dramatiques, quelquefois heureux, vont s’enchaîner et bouleverser la vie déjà chaotique de chacun. Mille questions se dressent devant eux, mille réponses viendront. Elles n’apportent pas toujours la tranquillité d’esprit. Loin s’en faut.
Mon analyse
Le mystère commence dès la 4e de couverture avec le point de vue d’une entité (les couvertures, si elles sont plutôt simples, elles renforcent l’aspect avec cette femme à trois âges de vie différents). Elle annonce la fin du monde et représenter LA solution pour le sauver. Seulement, celle-ci ne concerne que des privilégiés recrutés au travers de la fondation Andlauer. Et qui dit privilégié dit eugénisme avec la sélection selon certains critères (la capacité de développer des pouvoirs psychiques). Les guerres, bien réelles dans notre monde, suffisent à rappeler l’impact de telles attitudes.
Ainsi, tout le long de la trilogie, le cœur du lecteur/lectrice est balloté entre le merveilleux qu’apporte l’entité et les règles malsaines sur fond dystopique. La résolution en fin du T3 fait froid dans le dos, mais elle est crédible. Ce pendule entre ces deux extrêmes, pour lesquels l’autrice ne donne pas de préférence, se reflète dans l’arc de Mathilde. La malheureuse va en voir de toutes les couleurs face aux différents personnages et antagonistes.
L’histoire ne s’arrête pas sur ce point, elle nous plonge dans un thriller avec différentes sous-intrigues. Leur but est d’empêcher l’embrasement mondial. Ici, on touche des sujets d’actualité comme le réchauffement climatique ou les luttes de pouvoir entre certains grands pays, prêts à employer l’arme nucléaire. Des sujets d’actualité au fumet anxiogène ! Un double univers sert donc de socle à la trilogie : notre monde où les membres de la fondation Andlauer évitent le pire, où l’arc de Jonas se situe ; et le monde de l’entité très science-fiction/science-fantasy qu’on découvre via Mathilde. Le travail de l’autrice transparaît dans leur construction afin d’assurer profondeur et cohérence (peu d’incohérences se détectent).
Si certains personnages sont parfois stéréotypés, tel Thomas Andlaeur (beau gosse ténébreux et musclé), leurs objectifs et leurs aventures permettent de passer outre (d’ailleurs, pourquoi cela signifierait-il « à rejeter » ?). Beaucoup sont développés avec des qualités et des défauts. Cela les rend crédibles dans des scènes qui balayent une large panoplie d’émotions (haine, vengeance, peur, amour, désir, révolte…). L’autrice n’a oublié aucun des personnages : les découvertes s’annoncent riches et variées.
Quant aux thèmes, en plus de l’eugénisme, plusieurs sont abordés comme le racisme (ni les blancs ni les noirs ne sont tout gentil ou tout méchant), le féminisme, l’homophobie de manière approfondie (il y a toujours des personnages pour et d’autres contre). Même le côté sentimental, qui démarre en fleur bleue, va avoir une évolution… particulière.
Les plus et les moins
Ce que j’ai le plus aimé :
- La très belle histoire de Jonas et Markus, touchante sans être mélodramatique.
- L’entité et tout son univers avec ce mélange de SF et fantasy. Un régal.
- Alexian, le frère de Thomas Andlaeur, mieux travaillé que ce dernier, tout en subtilité.
Ce que j’ai le moins aimé :
- Quelques scènes qui se répètent dans les tentatives d’éviter la fin du monde.
- Le directeur de la fondation Andlaeur, un peu extrême tant dans son physique que sa personnalité.
- Quelques solutions trop simples pour certaines sous-intrigues, mais elles ne nuisent pas trop à la principale.
Conclusion
Dans la trilogie Havensele, les rebondissements s’enchaînent et le page turner fonctionne. J’ai dévoré les livres en cinq jours. Un gros refroidissement pendant des vacances m’obligeait à rester au lit : la trilogie de Charlotte Bona m’a permis de m’évader d’une autre façon.
Si vous aimez les histoires inclassables, les pouvoirs psychiques, ou le thriller, les personnages complexes, n’hésitez pas une seconde. Toutefois, les thèmes, l’intrigue et les scènes – par moments très durs – positionnent le récit en mature/adulte.