Aujourd’hui, j’avais envie d’aborder un nouveau sujet. Ma méthode de bêta-lecture. J’ai classé cet article dans la catégorie lecture de mon blog, car c’est ce qui se rapproche le plus. Et pourtant c’est très différent, comme l’indiquent les définitions sur Wikipédia et Wikitionnaire.
Wikitionnaire : La bêta-lecture est la révision d’un manuscrit avant sa publication par une personne tierce dans le but d’obtenir des retours constructifs.
Wikipédia : Le travail principal du bêta-lecteur est de donner son avis sur l’histoire, sa crédibilité, ses personnages, d’aider l’auteur à améliorer son histoire. Un bêta-lecteur intervient généralement lorsque l’œuvre est prête à être publiée, ou non.
Effectuer une bêta-lecture consiste à aider l’auteur/l’autrice avec un œil neuf sur son histoire terminée (réécrite souvent, mais pas toujours) dans le but de la tirer vers le haut. Il s’agit donc de réaliser une analyse plus complète qu’une chronique, à remonter les points forts, points faibles du roman sur différents aspects. En aucun cas, il ne s’agit d’une correction syntaxique, grammaticale ou orthographique. En aucun cas, il ne s’agit d’une lecture passive. Le nom peut prêter à confusion.
Pourquoi ai-je décidé de partager avec vous ma méthode de bêta-lecture ? Pour éclairer le lecteur ou la lectrice que vous êtes sur l’écriture en amont de la publication/l’édition. Et aussi, parce que je viens d’en réaliser une sur un roman historique Le Papillon de Paris de Franzo Pizarro (très actif sur les réseaux sociaux). Je suis plus habituée à l’imaginaire, mais Franzo a éveillé mon intérêt avec ce mélange des Misérables et de Billy Elliot. Sans compter que mon histoire steampunk se passe à la même période et qu’approfondir les points historiques me convient.
Ma méthode de bêta-lecture
Je lis une première fois l’histoire en prenant des notes à chaud sur chaque chapitre :
- Ce que je comprends
- Ce que je ne comprends pas
- Les questions que je me pose, et dont j’attends une réponse au cours de l’histoire
- Ce que j’aime en + ou en –
Cette première passe a pour but de me mettre dans la peau d’un lecteur/d’une lectrice.
Puis, je reprends ma lecture de manière très active en analysant pour chaque chapitre : univers, personnages, intrigue, thèmes, et style. Sans hésiter à aller et venir entre les chapitres, afin d’affiner les retours.
Voyons chaque point plus en détail, avec des exemples sur ma bêta-lecture Le papillon de Paris. (sans spoiler, bien entendu, ni donner trop d’informations par respect du texte et de son auteur).
Univers
Je vérifie la cohérence par rapport à la période historique du roman, et par rapport à la trame temporelle intrinsèque du roman. J’aime d’ailleurs beaucoup les petites touches des évènements historiques qui ancrent le roman.
Ainsi, Franzo réussit à intégrer un évènement très particulier de Vincent Van Gogh, à rapporter la terrible décision de la France avec les emprunts russes, à raccrocher son histoire avec la construction de la Tour Eiffel. Il raconte aussi les conditions de vie des différentes strates sociétales à Paris. J’ai pris le temps de vérifier la plupart de ces aspects et de lui pointer ce qui était correct ou non, ou le besoin d’approfondir.
Pour la trame temporelle intrinsèque, je vérifie si le timing (jours, heures) colle entre plusieurs scènes différentes. Ou si quelque chose apparaît tout à coup qui n’existait pas au début.
Dans ce point, j’y mets aussi les descriptions. Sont-elles suffisantes pour comprendre ? Ni trop ni pas assez. Car les descriptions apportent une ambiance à l’histoire ou à une scène en particulier. Avec un regard extérieur, il est aussi facile de montrer les lieux où on se perd ou non.
Personnages
Les aspects à analyser sont la construction, l’évolution (positive ou négative), les relations ; mais aussi, si un personnage manque de développement et paraît plat, alors qu’il est important au moins pour le protagoniste. Je vais essayer de comprendre les motivations des uns et des autres, pointer celles qui fonctionnent bien, et celles qui sont faibles. C’est vraiment quelque chose qui saute vite aux yeux quand on est à l’extérieur. Dans Le Papillon de Paris, j’adore Mme Arnaud, la tenancière d’un bar, et son équipe, qui m’ont paru réalistes. Mais je n’accroche pas à un groupe d’adultes qui en ont tout le temps après le protagoniste (le gamin de dix ans). J’en ai donné les raisons dans ma bêta-lecture.
De plus, je vérifie si une action est crédible en tenant compte du profil des personnages. Dans Le papillon de Paris, le protagoniste est un gamin indigent de dix ans. Sa manière d’agir doit être en conséquence (par exemple porter des objets lourds, ou la connaissance d’informations).
Les émotions ne doivent pas être négligées, car elles permettent aux lecteurs et lectrices de vibrer avec les personnages, de se les attacher, ou les détester. Bref, de s’immerger dans une histoire qui en devient presque réelle. J’indique dans le texte, celles qui touchent au but, et celles qui posent un problème. Comme le fait de relâcher sa tension d’une certaine manière après un évènement grave dans Le Papillon de Paris, ou la gestion de la culpabilité de rompre une promesse versus le désir d’aider des amis, etc.
Intrigue
Elle doit tenir du début à la fin, demeurer cohérente, ne pas utiliser de solution tombée du ciel autant pour mettre le protagoniste dans la mouise que pour l’en sortir. Comme le roman de Franzo est plus une fresque historique centrée sur un gamin qu’un roman policier aux multiples fils, l’analyse en est simplifiée. Cela n’empêche pas un excellent twist final (mais chut). J’indique les scènes qui m’ont touchée (rire, colère, tristesse…), et celles où je me demande si elles apportent vraiment quelque chose. Le rythme aussi compte : si trop de scènes calmes s’enchaînent sans émotion particulière, elles risquent d’ennuyer à la lecture. Ou si une scène importante va trop vite et méritait de s’attarder dessus.
Je termine avec la construction de chaque scène pour m’assurer de son contexte, son déroulement et sa conclusion (un chapitre peut comporter une scène ou plusieurs).
Thèmes
Si une histoire insiste sur un ou des thèmes particuliers, s’assurer qu’ils sont bien traités. Cependant, cet aspect dépend beaucoup de la sensibilité de chacun. Je pointerai donc que s’il y a un dérapage potentiel (genre apologie de la violence, non-consentement en exergue dans une relation amoureuse, sexisme, racisme…).
Style
Je fais peu de retour sur ce point, car je tiens à respecter le style de l’auteur, à ne pas le dénaturer. Je m’attacherai plus à la gestion du point de vue, au vocabulaire d’un personnage par rapport à son profil, aux tics d’écriture ou de narrations. Dans Le papillon de Paris, il y a des indigents, des banquiers, des policiers, des enfants, des adultes, etc. Ce qui entraîne différentes manières de s’exprimer.
Échange avec l'auteur ou l'autrice
Ensuite, toutes mes remarques sont rassemblées dans un fichier que pourra exploiter l’auteur/l’autrice. Les suggestions sont a minima, afin de ne pas influencer son écriture (ni sa motivation). J’annote aussi l’histoire elle-même : phrases lourdes, fautes, mauvaises mises en page, etc.
L’auteur/l’autrice travaille souvent avec plusieurs bêta-lecteurs, cela l’aide à recouper les retours qui, quoi qu’on essaye, resteront subjectifs sur certaines parties.
L’auteur/l’autrice décidera des corrections. Il/elle reste seul maître à bord de son roman. Le bêta-lecteur/la bêta-lectrice n’a pas à imposer son point de vue, à avoir raison à tout prix, et se tient à disposition pour expliquer son commentaire. Je tiens à le souligner, car ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Les conséquences peuvent en devenir dramatiques (non, je n’exagère pas).
Un autre aspect à ne pas négliger : la confiance entre l’auteur/l’autrice et le bêta-lecteur/la bêta-lectrice. Si elle n’existe pas, alors il sera difficile d’écrire un retour sincère, il sera difficile à l’auteur/l’autrice de faire le bon tri dans les retours. Et l’exercice perdra de son sens pour tous les deux.
Conclusion
Cet article avait pour but de vous éclairer sur le rôle de la bêta-lecture, en vous partageant ma méthode. Elle n’est pas universelle. Elle fonctionne pour moi, peut-être ou pas pour quelqu’un d’autre. Toutefois, le fond demeure : apporter les points forts et les axes d’amélioration au travers d’une analyse constructive. Sans imposer ses idées.
Et ma récompense dans tout cela ? J’en ai une. Quand l’auteur ou autrice m’annonce que ma bêta-lecture a vraiment aidé pour la réécriture, si ce n’est à décrocher une maison d’édition. Je suis contente pour lui/elle et satisfaite du travail conséquent fourni.
Avez-vous déjà effectué une bêta-lecture ou reçu une ? N’hésitez pas à me partager votre expérience en commentaire.