Perosia Astelle

Chronique “Alix et le Duc”

Lecture

Très portée sur la science-fiction soft (et surtout la science-fantasy), où les personnages sont au centre de l’histoire plutôt que le côté technologie, je me suis laissée tenter par Alix et le Duc (Protocole Expansion, tome 1) de Johnathane Hoctor-Anger (éditions Humbird & Curlew). La saga consisterait en une suite et des récits séparés.

L'histoire

Sur une Terre détruite peu à peu par les hommes, le manque cruel de ressources pousse à la construction de vaisseaux afin de coloniser des planètes habitables. Un voyage qui durera des années si ce n’est des siècles. Né dans un bidonville, Alix ne se fait pas d’illusions sur son avenir. Il fera partie des dommages collatéraux avec le reste du bas peuple. Sa rencontre avec le Duc changera pourtant la donne. Prêt à tout pour une nouvelle vie loin de la Terre, Alix se pliera aux moindres désirs du Duc. Une étrange relation, mélange de maître-esclave, de père-fils et d’adoration s’installe. Puis vient le voyage vers l’inconnu dans l’Arche de Normandie, où fuir ses émotions est impossible. Comment les deux hommes en seront-ils impactés ?

Mon analyse

Le point de départ de l’histoire est traditionnel avec le devenir d’une Terre détruite par l’humanité. Une fuite vers des planètes inconnues focalise alors tous les espoirs des élus, riches ou nobles de préférence. Le prologue sert à mettre en place ce contexte au travers d’un simple rapport. Le fond du récit ne porte pas sur le comment la Terre en est arrivée à cette extrémité.

Puis le premier chapitre démarre avec Alix. Il raconte son histoire à l’auteur du rapport, que l’on ne verra jamais dans ce récit. L’auteur permet ainsi à Alix de s’exprimer dans un langage soutenu, un peu précieux, en cohérence avec son nouveau statut. En lisant le 4e de couverture, j’avais l’impression d’un trop dit. Mais, puisque le prologue et ce début de chapitre mettent les pieds dans le plat, cela ne m’a plus posé de problème. L’auteur nous fait donc une promesse implicite avec son choix : « Comme il n’y a pas de suspens sur la vie ou la mort d’Alix, attendez-vous à des surprises sur son évolution. »

Et la promesse, l’auteur la tient depuis la rencontre avec le Duc jusqu’au twist final, qui m’a beaucoup plu. De jeune homme désorienté par ce qui lui tombe dessus, Alix apprendra à se mouvoir dans les méandres d’une société de nobles. Leur rêve est de retrouver leur mode de vie sur une nouvelle planète. À aucun moment, ces hommes et ces femmes ne prennent le recul nécessaire pour éviter les mêmes débordements. En tant que lectrice, je me demande si les prochains livres aborderont ce point critique, car recommencer ces erreurs finira par conduire l’humanité à sa perte… définitivement !

J’en reviens à Alix. On l’aime, on le déteste ; il est très humain, avec ses qualités et ses défauts, dont il a lui-même conscience. Par exemple, il repoussera une ancienne compagne de sa précédente vie, mais lui donnera le moyen de survivre. Son amour profond pour le Duc n’est pas vain et guidera toujours ses actes. Quant au Duc, son côté pervers n’attire aucune sympathie (en tout cas pas la mienne). Et pourtant… et pourtant, la fin de l’histoire fournira un nouvel éclairage à ce ressenti. Oui, j’insiste sur cette fin particulière.

D’autres personnages évoluent dans l’histoire. Ils sont cohérents, bien traités, et servent les deux principaux sans tirer trop la couverture à eux.

Pour l’univers, je l’ai trouvé intéressant avec ce contraste de haute technologie réservée à la construction des vaisseaux et le mode de vie « rétrograde » des nobles au travers des calèches, châteaux, etc. Cela donne un petit effet steampunk à la lecture, évitant de s’appesantir sur un côté trop SF.

Concernant la couverture, Alix est clairement identifié comme le jeune homme, au physique plutôt féminin, innocent (la nudité renforce l’idée) en demande d’amour ou prêt à en donner, d’après le cœur entre ses mains. Au-dessus de lui, une tête en bois et une sorte d’ailes. J’y ai vu plusieurs interprétations avant la lecture. Le Duc pervers protégeant toutefois Alix (à le prendre sous son aile). La mort qui veut emporter Alix ou son propre côté obscur. Et enfin, la planète Terre en pleine dérive (avec le nuage genre bombe atomique). Après ma lecture, je me rends compte que toutes ces interprétations tiennent leur place par rapport à l’histoire. La couverture est donc bien conçue.

Pour le résumé, tout est explicité, avec le statut initial de la Terre et d’Alix, puis l’élément déclencheur, les conflits à venir, et la question finale. J’ai trouvé au début qu’il en dévoilait beaucoup. Mais j’ai révisé mon opinion à la lecture, comme je l’explique dans mon analyse.

Les plus et les moins

Ce que j’ai le plus aimé :

  • La complexité d’Alix et son évolution : la promesse de l’auteur est tenue.
  • Le contraste technologie versus mode de vie à la steampunk, même à l’intérieur du vaisseau spatial.
  • Le twist final de l’histoire : il est terrible, mené par des non-dits et tant de malentendus.

Ce que j’ai le moins aimé :

  • Le nombre de scènes racontées et non montrées au travers du récit d’Alix, comme pour sa vie avant la rencontre avec le Duc, le travail sur les chantiers de construction (en renforçant le côté SF), etc. Je suis restée sur ma faim. D’autres scènes liées ont eu moins d’impact, tel que la rencontre d’Alix avec son amour d’autrefois au pied du vaisseau spatial.
  • La subjugation instantanée d’Alix pour le Duc au premier regard, alors que le garçon est en mode survie totale dans les bidonvilles.
  • Pour la forme, l’abondance des points d’exclamation.

Conclusion

J’ai passé un bon moment de détente avec ce premier tome de la série Protocole extension de Johnathane Hoctor-Anger, et je suis curieuse de découvrir la suite. J’aimerais juste que l’auteur prenne plus de temps à montrer les scènes, plutôt que de les raconter. Avec 140 pages, il reste de la marge.

Je vous recommande le livre et ne vous arrêtez pas au genre SF : vous ne serez pas assailli de termes techniques ou de visées futuristes. L’histoire se concentre surtout sur l’évolution de deux hommes et de leur relation, tout ce qui a de plus actuel.

Couverture Alix et le Duc

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